lundi 29 juin 2009

La politique du moindre mal, par Barry Rubin

"Travailler avec des dictatures n'implique pas non plus d'être naïf à leur endroit ou au sujet de leurs politiques. Bien sûr, l'Autorité Palestinienne va inciter à plus de violence envers Israël - tout en arrêtant beaucoup de terroristes résultant de cette incitation - mais ne va pas prendre part à une paix durable et totale avec Israël. Le gouvernement de Moubarak va certainement accepter l'argent américain mais ne s'abstiendra pas de "cracher dans la soupe" ensuite."

Source: article de Barry Rubin dans le JPost

Question d'un lecteur : Voulons-nous réellement traiter avec des "dictateurs modérés" de la région ou devons-nous les exhorter à favoriser la démocratie dans leur pays?

Réponse : Ce que nous "voulons réellement" n'est pas en question. Ce qui importe, c'est le pragmatisme politique.

Aujourd'hui, il n'y a pas de réelle alternative libérale-démocrate dans le monde arabe, à part pour le Liban. La principale menace pour l'Occident, pour Israël, et même pour les pays arabes, ce sont les islamistes radicaux (régime iranien, Hamas, Hezbollah, les Frères musulmans, Al-Qaïda) et leurs alliés nationalistes, la Syrie en particulier.

L'Égypte, l'Iran, la Jordanie, l'Arabie Saoudite, le Maroc, la Tunisie, l'Algérie, le Koweït, les Émirats Arabes Unis, le Sultanat d'Oman, le Bahreïn, et même le Qatar, sont nos alliés dans cette lutte. Ces dictatures s'agrippent au pouvoir et on peut prévoir qu'elles seront chassées par les Islamistes radicaux dans un avenir proche.

Contre les fascistes, les États-Unis et le Royaume-Uni ont dû s'allier avec Staline; contre les communistes, avec de nombreux dictateurs. Ceux qui envisagent de faire de la politique devraient être conscients de ces réalités. Actuellement, il n'y a pas de raison sérieuse de croire que ces pays deviennent des démocraties-libérales, et encore moins par des pressions venant de l'extérieur. Les forces libérales sont tout simplement trop faibles. Si des élections avaient lieu, les Islamistes les gagneraient, et n'en organiseraient plus.

Si les dirigeants iraniens étaient moins extrémistes, les relations seraient-elles meilleures avec l'Occident sur la question du nucléaire? C'est certain. Mais l'Occident n'y peut rien. Ce n'est pas pour ses relations publiques que l'Iran va cesser de développer son arsenal nucléaire. Ce serait certainement mieux d'avoir un président moins guerrier, un président dont on ne pense pas qu'il peut tout à fait utiliser l'arme nucléaire. Il serait préférable d'avoir un régime pratiquant le grand écart entre une idéologie radicale et un comportement international plus pragmatique. Au final, il serait préférable d'avoir un régime qui se consacre plus à sa politique intérieure qu'à l'étranger.

Malheureusement, de telles options sont difficiles à trouver dans le monde arabophone. Peut-être le sont-elles en Iran; Mais l'Iran, ce n'est pas le monde arabophone.

L'Egypte du Président Hosni Moubarak ou la Jordanie du Roi Abdallah sont-elles préférables à des états islamistes dirigés par les Frères Musulmans? Le régime iraquien actuel est-il préférable à un état radical islamiste sous tutelle iranienne? Le Liban sous le contrôle de l'alliance du 14 mars entre Sunnites, Chrétiens et Druzes est-il préférable au Liban sous contrôle du Hezbollah? L'Autorité Palestinienne est-elle préférable au Hamas?

De combien de millisecondes avez vous eu besoin pour répondre à cette liste de questions?

Travailler avec des dictatures ne veut pas dire les soutenir quand elles oppriment de vrais démocrates libéraux. C'est pour cela qu'une frontière doit être tracée.

Travailler avec des dictatures n'implique pas non plus d'être naïf à leur endroit ou au sujet de leurs politiques. Bien sûr, l'Autorité Palestinienne va inciter à plus de violence envers Israël - tout en arrêtant beaucoup de terroristes résultant de cette incitation - mais ne va pas prendre part à une paix durable et totale avec Israël. Le gouvernement de Moubarak va certainement accepter l'argent américain mais ne s'abstiendra pas de "cracher dans la soupe" ensuite. Le problème avec la stratégie occidentale aujourd'hui c'est que, alors qu'elle se veut réaliste, elle est dangereusement romantique. Elle a souvent l'air plus soucieuse de s'accommoder des extrémistes les plus radicaux que de préserver et fortifier ses relations avec les groupes moins dangereux et répressifs - quoique peut-être plus corrompus et incompétents.

Ainsi, c'est là la conclusion précise à laquelle sont arrivés la majorité des véritables libéraux arabes. Ils détestent les gouvernements existants et ne sont que trop conscients de leurs défauts. Ils préfèrent cependant garder leurs leaders actuels plutôt que d'inviter chez eux un Iran Islamiste, un Afghanistan Taliban ou le Hamastan de Gaza. En même temps, qui peut leur en vouloir?

Au contraire, en Occident, l'idée la plus en vogue tend à l'inverse à choisir le plus extrême des deux camps. Évidemment, il est beaucoup plus facile de prendre ce chemin quand nous n'avons pas à en subir les conséquences directes.

Le moindre mal reste donc toujours la meilleure solution.

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