samedi 9 janvier 2010

Lutte contre l'antisémitisme: sortir des sentiers battus, Gil Troy

Texte de Gil Troy, professeur d'histoire à l'université McGill, paru dans le Jerusalem Post. Il est l'auteur notamment de l'ouvrage : Pourquoi suis-je sioniste : Israël, l'identité juive et les défis d'aujourd'hui

Un forum international doit, certes, être digne mais ne doit pas noyer dans les petits-fours le combat contre une dérive antisémite : celle du boycott anti-Israël

Deux jours de débats. Un seul sujet : l'antisémitisme. Le 16 décembre dernier, 490 parlementaires, diplomates, activistes, universitaires, leaders communautaires de plus de 50 pays ont participé au forum organisé par le ministère des Affaires étrangères à la Knesset. J'étais contrarié de manquer deux journées de vacances de Hanoucca avec mes enfants, mais je savais, après avoir participé aux deux précédents forums, que je n'allais pas m'ennuyer et rencontrer des idéalistes juifs et non juifs qui tentent de combattre l'injustice.

Pensée pour Daniel Pearl et Ilan Halimi
Néanmoins, je me sentais un peu coupable : combattre l'antisémitisme ne doit pas devenir un événement routinier ou agréable. Le ministère des Affaires étrangères, sous le patronage d'Aviva Raz-Shechter, et son département de lutte contre l'antisémitisme, ont fait un travail remarquable pour accueillir avec élégance les dignitaires internationaux. Mais je ne pouvais pas m'empêcher de ressentir un immense malaise. Alors que je me rendais aux cocktails mondains, j'ai eu une pensée pour Daniel Pearl et Ilan Halimi [photo], victimes injustes de l'antisémitisme. Le premier, Daniel Pearl, était un journaliste de 39 ans du Wall Street Journal. Il a été enlevé avant d'être décapité à l'arme blanche et sa dépouille découpée en dix morceaux par un groupe d'islamistes au Pakistan en février 2002.

Ilan Halimi, jeune vendeur français de téléphones portables, a été enlevé en janvier 2006 par un gang antisémite et torturé durant trois semaines avant d'être laissé pour mort avec des brûlures sur 80 % de son corps. J'ai également eu une pensée pour les centaines de victimes israéliennes sacrifiées lors d'attentats suicides commis par des Palestiniens. Je me suis alors rappelé une petite phrase d'Elie Wiesel : quelquefois, la réponse la plus rationnelle au mal est la colère. Elle est l'ingrédient le plus efficace au succès de mouvements tels que le féminisme, la défense des droits civiques, les homosexuels, l'anticommunisme ou le sionisme lui-même. Lorsque la colère est bien utilisée, elle peut forcer les oppresseurs à se retrouver sur la défensive, changer le langage courant, accroître la sensibilité de l'opinion et changer le cours de l'Histoire.



Les Israéliens doivent être des ambassadeurs efficaces
Pour commencer, nous devrions réveiller la communauté juive et lui enseigner que combattre l'antisémitisme réclame d'aller hors des sentiers battus. Le monde juif se trouve aujourd'hui dans une situation désastreuse car il se retrouve piégé par une accusation injuste : les Juifs crient à l'"antisémitisme" à chaque fois qu'Israël est critiqué. Cette remarque est particulièrement ridicule, si l'on considère l'autocritique intense qui traverse Israël et le monde juif face à un monde arabe qui se regarde, lui, le nombril. La campagne de boycott est mue par le principe de l'exclusivité, soit pointer uniquement du doigt Israël, et par le principe de l'existentialisme c'est-à-dire attaquer l'existence même de l'Etat hébreu et non pas seulement sa politique. La fédération juive de San Francisco a récemment dénoncé le mouvement de boycott : "Nous ne pouvons supporter des événements ou des organisations qui diffament Israël et qui appellent au boycott, au désinvestissement et aux sanctions (BDS) contre l'Etat hébreu." La fédération de San-Francisco a émis une condamnation mais elle est resté infructueuse.

Ce texte devrait être adopté par toutes les organisations juives dans le cadre d'une campagne commune pour dénoncer le boycott. Tout en étant très clair sur nos intentions : il ne s'agit pas d'une tentative de museler la liberté d'expression et le débat sur Israël. Il faut dans un premier temps que la communauté juive arrête de financer des projets qui surfent sur l'antisémitisme au théâtre ou dans les festivals. En parallèle, le combat contre l'antisémitisme commence sur la terre natale d'Israël.

Les Israéliens doivent être les ambassadeurs les plus efficaces dans le combat contre le boycott. Cette lutte pour la survie doit dépasser toutes les divisions politiques et mettre à son service toute l'inventivité israélienne. Les Israéliens doivent comprendre qu'en dépit de ses start-ups et de son savoir high-tech, si l'Union européenne décide de boycotter Israël, l'impact économique sera dévastateur. La menace est réelle mais reste malheureusement interprétée sous le prisme d'un affrontement droite-gauche. Par ailleurs, les critiques internes en Israël ont un effet pervers : à l'heure de l'information en temps réel, elles sont véhiculées à travers le monde. Les opposants les plus virulents à l'Etat juif citent des Israéliens de manière incessante. Personne ne peut empêcher les habitants de l'Etat hébreu d'avoir leurs propres opinions mais tous doivent veiller à leur langage. Il faut que ces derniers comprennent que de faux raccourcis au nazisme, à l'apartheid et au racisme nourrissent les ennemis d'Israël.

Prendre modèle sur le mouvement juif soviétique
Par ailleurs, il faut lancer en réponse au boycott une campagne "Laissez Israël vivre", construite sur le modèle du mouvement juif soviétique. Mettre en place une action légale mais agressive pour contrer les pourfendeurs d'Israël. Nous devons nous opposer aux diplomates iraniens qui ont des ambitions génocidaires contre l'Etat juif. Nous devons confronter les autorités saoudiennes, égyptiennes et palestiniennes lorsque leurs bureaux diffusent de nouvelles caricatures antisémites. Enfin, nous devons affronter les gauchistes qui défendent le boycott contre Israël et leur montrer que leur combat porte en son sein les germes de l'antisémitisme traditionnel.

Au début du mois de décembre à Ottawa, je me suis opposé à plusieurs partisans du boycott au sein du parlement canadien. J'ai demandé pourquoi l'une de leurs résolutions critiquait "la nature apartheid de l'Etat d'Israël" plutôt que de formuler des critiques concrètes sur la politique israélienne dans les territoires. L'un des activistes a avoué vouloir prendre de la distance avec la formule de l'apartheid parce qu'elle n'est pas "efficace".

Concernant notre colère légitime, il faut bâtir une stratégie constructive. Et bien sûr, lorsqu'il est nécessaire, organiser des repas savoureux pour recevoir des dignitaires internationaux. Mais ne masquons pas la hideuse réalité. Taper un grand coup sur la table non pas parce que les "Juifs" le demandent mais parce que la justice le commande.

1 commentaire :

Gilles-Michel DEHARBE a dit…

* Chaque voyageur israélien va devenir diplomate officiel.

Lieberman tape un gros coup sur la table. Une fois de plus. Et il le fait bien ! ...

... http://jssnews.com/2010/01/07/
chaque-voyageur-israelien-va-devenir-diplomate-officiel/