mardi 4 mai 2010

Réaction de Gilles William Goldnadel aux JCALLiens

"Si j'avais les moyens de publier une telle tribune dans la grande presse et si mon dessein était de vouloir raisonner les déraisonnables, j'aurais plutôt, pour autant que la chose soit possible, réservé les colonnes de la presse arabe. J'aurais invité les Syriens à cesser de livrer, de manière assez irrationnelle pour qui veut la paix, des missiles au Hezbollah libanais en infraction avec la résolution onusienne. J'aurais pressé les pays du golfe et l'Algérie à cesser leur ostracisme, peu rationnel, à l'égard de l'État juif. Il y a trois jours, Mme Clinton l'a fait. Pas les raisonneurs juifs qui n'y ont même pas songé."

Texte repris du blog de l'auteur (VOUS AVEZ DIT FAUTE MORALE ?)

Je ne sais ce qui m'attriste le plus dans ce texte littéralement insensé et pourtant intitulé non sans outrecuidance «Appel à la Raison».

J'ai, évidemment, d'abord mal pour Israël, déjà tellement et désespérément seul, mais j'ai mal aussi – et peut-être davantage – pour l'état crépusculaire d’une certaine pensée politique contemporaine.

Car il faut reconnaître que cette pétition de JCall est, hélas, revêtue de la signature de certaines personnalités estimables. Je ne suis aucunement surpris par le fond de leur revendication : retrait des territoires conquis en 1967.Celles-ci sont connues et anciennes. J'ai écrit, moi-même, à plusieurs reprises, que je n'avais pas la religion des territoires. Seulement celle, plus ingrate et laïque, de la sécurité d'Israël et de son peuple. Je ne pense pas que lorsqu’Ehud Barak proposa vainement à Arafat la rétrocession de la quasi-totalité desdits territoires – contre une paix définitive – il commit un acte de haute trahison. Je ne crois pas non plus que Benjamin Netanyahou le pense, lui qui a nommé Barak à la tête du ministère de la défense.


Ce que je ne puis admettre, c'est d'abord ce titre qui constitue une véritable indécence, pleine de fatuité, dès l'instant où l'objet serait de raisonner Israël. Moi, si j'avais les moyens de publier une telle tribune dans la grande presse et si mon dessein était de vouloir raisonner les déraisonnables, j'aurais plutôt, pour autant que la chose soit possible, réservé les colonnes de la presse arabe.

J'aurais invité les Syriens à cesser de livrer, de manière assez irrationnelle pour qui veut la paix, des missiles au Hezbollah libanais en infraction avec la résolution onusienne. J'aurais pressé les pays du golfe et l'Algérie à cesser leur ostracisme, peu rationnel, à l'égard de l'État juif. Il y a trois jours, Mme Clinton l'a fait. Pas les raisonneurs juifs qui n'y ont même pas songé.

Vous avez dit faute morale ?

Ce que je ne puis admettre c'est que nos pétisionistes, avec un étrange anachronisme, fassent porter le poids moral de la responsabilité de l'enlisement du processus de paix sur la tête d'Israël, comme si le gouvernement israélien était resté immobile, comme si l’Autorité Palestinienne avait, à l'inverse, fait montre du sens du compromis historique.

Voilà un premier ministre élu démocratiquement qui décide, contre la pente naturelle de son camp politique, de reconnaître le bien-fondé d'un État arabe de Palestine et de prononcer le gel provisoire des constructions dans les territoires disputés.

Voilà un Président Palestinien, dont il est recommandé de louer l’extrême modération, qui continue, à l'instar de sa population, de refuser la légitimité d'un État juif en Palestine, autrement dit d'entériner enfin le partage de 1947.

Au même moment où les Israéliens commettaient la bourde administrative qui servit de prétexte au vice-président Bidden pour s'estimer offensé, l'Autorité Palestinienne décernait le nom d'une place de Ramallah à un terroriste responsable de la mort de 37 civils israéliens.

Depuis, mais un peu tard, Mme Clinton a condamné cette provocation peu contributive de paix. Pas les pétitionnaires juifs.

Vous avez dit faute morale ?

Bien sûr que la position israélienne est aujourd'hui inaudible en Europe. Comment pourrait-il en être autrement après le dénigrement médiatique systématique et permanent auquel nous assistons depuis des lustres. Est-ce une raison de voler au secours de la défaite ? D’enfoncer un peu plus la tête de l'être aimé dans la boue de la réprobation unilatérale sous l’étrange prétexte d'affection et de crainte pour lui ?

Hitler a réussi la plus grande escroquerie politique du XXe siècle en vendant aux jobards que sa revendication satisfaite sur les Sudètes mettrait définitivement fin à ses exigences territoriales. Les Palestiniens et leurs alliés sont en passe de réitérer le même exploit au XXIe siècle en laissant à penser que le dernier obstacle à la paix serait l'abandon des positions juives dans les territoires disputés et à Jérusalem. Il est littéralement incroyable que des intellectuels férus d'Histoire, que des observateurs angoissés de l'actualité proche-orientale aient déjà oublié que les concessions unilatérales israéliennes, loin de faire avancer la cause de la paix, incitent un adversaire déjà peu intéressé à la renonciation à ses droits sacrés, à la surenchère irrédentiste.

Quant à espérer une meilleure position diplomatique, une plus grande popularité au sein de l'opinion internationale, voilà encore qui relève et de la candeur et de l'amnésie.

Ont-ils oublié, nos diasporiques donneurs de leçons de morale et de sagesse, qu'il y a seulement quelques mois, l'État juif, qui s'était pourtant retiré de Gaza et qui s'est vu agressé par un mouvement terroriste et islamiste censé être honni, n'a bénéficié d'aucune compréhension et a vu au contraire son premier ministre – qui n'était pas Benjamin Nétanyahou – menacé des foudres de la justice internationale, dès l'instant où il dut recourir à la légitime violence d'État ?

Si d'aventure, le chef du gouvernement israélien décidait, sous la pression, et avant toute négociation, un geste sans contrepartie, il pourrait peut être escompter 24 heures de sympathie mondiale, avant que de nouvelles pressions recommencent, sur fond d'admonestations et de désinformations mensongères.

À ce dernier sujet, il aurait été sans doute plus utile à la cause de l'État que l'on ambitionne de sauver, dès lors ou l'on s'adresse au lecteur du Monde et de Libération, en grand déficit d'information raisonnable, mais qui ne souffre pas cruellement d'une pénurie de remontrances à l'égard dudit État, d'expliquer le caractère inique de la justice onusienne en général et du rapport Goldstone en particulier.

Il est douteux que le premier ministre israélien, qui ne doit pas lire tous les jours la presse française, s'inspire des dernières recommandations publicitaires qu'elle contient.

Il est douteux que la communauté juive française soit également ébranlée dans sa solidarité déterminée qui lui vient non d'un suivisme borné mais des leçons amères de l'expérience historique, ancienne ou récente, sagement méditée.

Il n'est pas douteux que les contempteurs d'Israël trouveront dans la pétition juive matière à jouissance intellectuelle et politique. Il est absolument certain que le lecteur de bonne volonté, déjà tellement égaré, sera davantage encouragé à croire que, décidément, les Israéliens n'ont pas raison.

Vous avez dit faute morale ?

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