mercredi 27 décembre 2017

Jean-Claude Milner: "La question juive se rouvre à l’échelle de l’Europe entière"

Jean-Claude Milner:
Il est l’une des voix les plus brillantes du paysage intellectuel français. Quelques mois après la sortie de Considérations sur la France (Cerf, 19 euros), Jean-Claude Milner creuse, en exclusivité pour Actualité Juive, la question de l’avenir des Juifs dans une Europe en proie à des bouleversements culturels majeurs.

Actualité Juive: Vous avez inauguré fin octobre le séminaire René Cassin, lancé à l’initiative de la Fondation du judaïsme français, avec une conférence intitulée «Les Juifs ont-ils un avenir dans l’Europe du XXIe siècle?». Quelle était l’origine de votre questionnement ?

Jean-Claude Milner : Je m’étais interrogé, il y a une dizaine d’années, sur les penchants criminels de l’Europe démocratique (Verdier, 2003), en pointant que la question juive, dans la forme que lui avait donnée l’Europe moderne, depuis la fin du XVIIIe siècle, ne se posait plus. La solution mise en place par Adolf Hitler avait atteint son but: il y avait maintenant en Europe occidentale et centrale un nombre suffisamment faible de Juifs pour qu’ils ne fassent plus question.

La situation s’est modifiée, car l’Europe elle-même a évolué. Elle est devenue, sans forcément sans rendre compte, un des lieux du monde musulman. Il existe désormais un islam européen. Autonome ou pas à l’égard des islams extra-européens ? Ce n’est pas décidé.

Or, la question juive continue de se poser pour l’islam et, sur ce point, l’islam européen ne fait pas exception. Certes, il rencontre comme un fait l’extermination de la Deuxième Guerre mondiale. Mais il la considère comme une histoire qui lui est totalement étrangère, strictement intra-européenne, presque provinciale. Par un mouvement de bascule, la question juive se rouvre à l’échelle de l’Europe entière; elle s’accompagne d’une tendance à relativiser le processus de destruction qui culmine dans les camps de la mort. Pour la jeunesse européenne, Auschwitz n’est plus et sera de moins en moins un absolu.

A.J.: Quel rapport cet islam européen pourrait-il entretenir avec Israël? 
J-CM. Le proisraélisme occidental, jusque dans les années 1960, était une expiation de la Shoah. Mais au fur et à mesure de l’effacement de cette mémoire, s’est affirmé un anti-israélisme spontané en Europe occidentale. L’existence d’Israël est aujourd’hui présentée comme intolérable au nom de la politique de Benyamin Netanyahou. Mais demain, cette existence sera présentée comme nécessairement intolérable, Netanyahou ou pas.

Ce qui est vrai pour l’Europe non-musulmane, l’est encore plus pour l’islam européen. Puisque, à ses yeux, la Shoah ne le concerne pas, l’existence d’Israël ne s’inscrit pas un instant dans une logique de réparation. 
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